Football ou corde à sauter ?
Un jour ma fille alors âgée de 8 ans est rentrée à la maison en pleurs, elle était désolée de n’avoir pu jouer au foot en cour de récréation. En effet les garçons l’en avaient écarté soulignant qu’elle était une fille et qu’elle ne pouvait à ce titre jouer au foot avec eux ! »
Victime d’un stéréotype bien partagé par les garçons de sa classe d’âge « une fille ne peut pas jouer au foot » ma fille a été refoulée vers des jeux considérés comme plus féminins «corde à sauter »
Clarifions ce terme très usité !
Le stéréotype est un ensemble de croyances relatives aux caractéristiques ou attributs d’un groupe. Il est positif ou négatif pas forcément faux et peut être personnel et/ou partagé.
Forgés très tôt dans l’enfance, les stéréotypes sont intériorisés par toutes et tous.
Que veut-on dire par Négatif/Positif ? Donnons un exemple : ce n’est pas négatif d’être un garçon et d’aimer les voitures. Ce qui est négatif, c’est de croire que tous les garçons, sans exception, aiment les voitures et s’y intéressent. Comme il est néfaste de penser que les toutes les femmes aiment le maquillage et s’intéressent à la mode.
Le stéréotype peut être personnel car intériorisé au cours de l’enfance il dépend des messages reçus pendant cette période de la vie. Ainsi un homme peut penser que toutes les femmes ont envie d’avoir un enfant et que celles qui en n’ont pas, sont en manque d’une part d’elle-même. Ce stéréotype est né sans doute parce que dans sa famille la maternité était valorisée comme source d’épanouissement pour les femmes. Il est personnel dans la mesure où il n’est pas partagé par le groupe social auquel appartient cette personne dans sa vie d’adulte.
A quoi servent les stéréotypes ?
Ils répondent à un besoin de catégorisation bien connue des chercheurs , qui consiste à expliquer ce que les gens font, leurs conduites et comportements par ce qu’ils sont par essence et nature. Par exemple si une dirigeante prend peu la parole en cours de réunion, certains pourront se dire « oui c’est normal les femmes ont plus de mal à s’affirmer en public que les hommes ». au lieu de « peut-être qu’elle écoute avec attention et prend la parole quand elle souhaite apporter une
contribution … ?»
De fait, les stéréotypes, comme les comparaisons, nous permettent de donner du sens au monde qui nous entoure rapidement sans remise en question du réel.
Les stéréotypes en entreprise
charisme, combativité, confiance en soi et sens de l’action seraient le propre de l’homme ; créativité, rigueur, écoute et empathie, ceux de la femme. Alors que les premiers attributs permettent d’occuper une fonction de leader, les seconds sont surtout associés à des fonctions d’assistance ou d’appui.
On comprend aisément pourquoi il peut être difficile pour une femme de se sentir légitime dans un poste à responsabilités où l’exercice du pouvoir est, dans nos représentations les plus communes, l’apanage des hommes.
Dans les études, d’autres stéréotypes plus marquants sont très souvent associés aux femmes : les hommes considèrent qu’elles privilégient leur vie de famille, elles ne sont pas disponibles, elles manquent de confiance en elles-mêmes et montrent leurs émotions. Ces stéréotypes renvoyés aux femmes de multiples façons pèsent sur leur évolution à des postes de responsabilités. Les ayant intériorisées, les femmes s’autocensurent ou adoptent des comportements dits masculins
pour être en conformité à la norme dominante.
A quoi renvoient ces stéréotypes ? à nos polarités !
Dans la conférence sur le leadership au féminin que j’ai donné récemment pour le campus, je développe le concept de polarités énergétiques complémentaires. Les stéréotypes nous renvoient aux polarités masculines / féminines, 2 énergies complémentaires que hommes et femmes nous possédons. Il n’existe pas de «traits masculins» ou de «traits féminins». la couleur « rose » n’appartient pas à un genre ou un sexe ainsi que ni une émotion, une passion, ni un comportement…
Ceci pour rappeler que nous avons toutes et tous, en nous, l’ensemble de ces qualités positives car complémentaires. Les qualités énergétiques féminines nous amènent à être dans la réception donc dans l’accueil alors que les qualités masculines favorisent l’émission donc l’agir.
De multiples exemples nous montrent que des femmes qui ont réussi à sortir des représentations sans rien lâcher de leur énergie dite féminine tout en renforçant leur polarité masculine, se sont épanouies à des postes de responsabilité.
La difficulté à laquelle nous sommes confronté.e.s est l’hyper valorisation au cours des siècles des énergies masculines dans le monde du travail. Et du discrédit jeté généralement aux énergies féminines, sous-valorisé.e.s alors que le monde en a, à mon sens, cruellement besoin en cette période de crise.
Comment l’entreprise peut-elle diminuer l’impact négatif des stéréotypes ?
Il y a plusieurs niveaux d’action que peut mener une organisation pour faire prendre conscience des stéréotypes de genre et permettre ainsi aux femmes de ne pas s’autocensurer et d’évoluer vers des postes à responsabilité.Il serait vain d’aborder cette question uniquement sur le plan individuel. Si la volonté de l’entreprise est de faire évoluer les
représentations des compétences, des aptitudes des hommes et des femmes, il est nécessaire d’aborder cette question d’un point de vue systémique. Il s’agit de promouvoir une vision, une volonté interne d’aspirer à plus de diversité. Dans quelle culture d’entreprise évoluons-nous ? quels sont nos modes d’organisation qui facilitent ou pas la disponibilité de
chacun.e ? quels sont les modes de recrutement, d’évolution professionnelle ? quels métiers sont orientés vers les hommes et vers les femmes ? quel style de management est promu, considéré ? ces questions doivent être soutenues par une communication au sein de l’organisation pour permettre la remise en cause des stéréotypes de genre.
Si ce pari de la transformation des stéréotypes vers la singularité de chacun.e est mené dans l’organisation, l’équité des genres est porteuse en termes de productivité et de performances économiques : une étude réalisée fin 2010 par Goodwill Management à partir de quatre grandes entreprises (AXA, l’Oréal, Orange et Vinci) a montré que la diversité augmenterait la rentabilité de 5 à 15% selon les types d’activité.
Constat et ébauche de solutions pour les femmes dirigeantes à titre individuel
Les femmes lorsqu’elles arrivent à des postes à de responsabilités et de gouvernance ont tendance à adopter des comportements plus carriéristes et durs que les hommes pour se faire une place et être respectées. Ce comportement les amènent parfois à s’opposer à l’émergence d’autres femmes pour préserver leur place si difficilement conquise.
Il est nécessaire par un travail sur les représentations d’aider chacune à percevoir l’arrivée des femmes comme un atout pour toutes, en conceptualisant le problème des stéréotypes de genre auquel tout le monde fait face. Une logique intégrative se mettra ainsi progressivement en place et les femmes adopteront des attitudes coopératives et attireront d’autres femmes vers des postes avec un niveau de responsabilités équivalent.
Les réseaux professionnels de femmes développent ce sentiment d’appartenance et favorisent la sororité. Petite parenthèse, la symbolique de ce terme, synonyme féminin de fraternité, est utile aux femmes pour se réapproprier ce qui les relient. De cette ouverture, peut alors s’initier un climat de confiance propice à un véritable débat d’idées, à un élan de solidarité et à une transformation en profondeur des représentations.
A un niveau plus personnel, l’accompagnement de type coaching, mentoring sont des solutions pour transformer son regard et se réapproprier son énergie dîtes féminine et faire face aux stéréotypes qui sont exprimés dans son environnement professionnel. Ainsi les femmes développent leur confiance en elles-mêmes, en leurs capacités à s’épanouir dans un cadre parfois très masculin, encore, dans les instances de pouvoir et de management stratégique.
Pour conclure
Les stéréotypes de genre évoluent durablement lorsque l’organisation manifeste une réelle vision de la mixité et d’un équilibre social pour l’ensemble des salariés, une véritable quête de sens et d’efficience.
Cette vision se doit d’être portée par des actions concrètes qui permettent à chacun.e de modifier son regard sur le rôle des femmes et leurs capacités à prendre des responsabilités et occuper des postes de pouvoir.
Dans l’état de crise économique et sociétale que nous traversons toutes et tous, il me semble que l’entreprise a un rôle majeur à jouer pour libérer les énergies féminines, leur accorder toute la place et permettre ainsi l’émergence d’un mode de gouvernance et de pouvoir équilibré entre les forces masculines et féminines. Cette complémentarité des énergies, comme dans un couple, apporte richesse des regards et génère des solutions innovantes aux problématiques auxquelles nous devons faire face.